Revue de presse de la Fondation pour la Nature et l’Homme

Petite revue de presse spéciale Cahier du Monde n° 23012 – Climat 2019 : Comment passer à l’action ? (lundi 7 janvier)

Un grand tour d’horizon avec deux possibilités d’accès aux dépêches et articles suivants : 
–> Un accès ‘rapide’ direct à la source de l’article (hors abonnement) par un lien hypertexte sur son intitulé dans le sommaire ; si un lien vers un article ne fonctionne pas, vous pouvez retrouver son contenu dans le corps du mail à l’item correspondant.
–> Un accès ‘lent’ et plus complet dans le corps du mail sous le sommaire et les extraits, incluant les articles réservés aux abonnés, des liens vers d’autres articles sur le même sujet et des pour en savoir plus (sources, etc.).
1- Climat 2019 : Action !, Le Monde, 06/01/19, 07h00
5- Climat 2019. Les atouts de l’initiative locale, Le Monde, 04/01/19, 08h00
11- Climat 2019. Photogénie du désastre, Le Monde, 05/01/19, 12h00
 
NOS VŒUX : « Choisir aujourd’hui pour ne pas subir demain. Pour éviter d’être coupable de non-assistance à planète et humanité en danger, nous n’avons que deux choix : ou laisser le temps nous dicter la mutation et l’avenir n’est désespérant que dans cette hypothèse ; ou conduire ensemble radicalement et progressivement cette société qui conjugue les enjeux écologiques, sociaux et économiques. Subir ou choisir. Ouvrir ou non le Chapitre 2 de notre Histoire collective et individuelle, tel est le défi que nous avons à relever tous ensemble. » Nicolas Hulot
DOSSIER DU JOUR : Climat 2019 : Comment passer à l’action ? • Il est difficile de penser la catastrophe climatique. Faut-il dorénavant réviser l’idée de progrès ? • Les villes restent les mieux placées pour inventer de nouveaux modes de vie • La révolte des gilets jaunes illustre la bascule dans la pauvreté de populations piégées par les énergies fossiles • L’idée d’un droit climatique émerge, et la nature devient un sujet de droit. Cahier du Monde n°23012 (05/01/19) (cf. item 1 à 11)
_______________________________________________________________________________________________________________________
1- Climat 2019 : Action !, Le Monde, 06/01/19, 07h00
Catherine Vincent 

Faut-il renoncer au progrès ? Les modèles alternatifs locaux sont-ils transposables à grande échelle ? Comment imposer la contrainte écologique dans les politiques publiques ? Articuler l’urgence écologique et la réduction des inégalités ? Quelles nouvelles solidarités construire entre nous et avec la nature ? Les réponses de la philosophe Isabelle Stengers, de l’ancien ministre délégué au développement Pascal Canfin, de l’économiste Eloi Laurent, de la primatologue Jane Goodall et de bien d’autres, réunies dans ce numéro spécial, le confirment toutes : un autre monde est possible.
C’est la pétition française la plus signée de l’histoire, et il faut s’en réjouir. Lancée le 17 décembre par quatre ONG, « L’Affaire du siècle », qui vise à attaquer l’Etat en justice pour « inaction climatique », a recueilli en ce début 2019 environ 2 millions de signatures en ligne. On peut contester la démarche, estimer qu’il est d’autres moyens de mettre le gouvernement face à ses responsabilités. Mais l’émergence de la justice climatique, plus qu’une prise de conscience, est un moment de cristallisation. Le sentiment collectif que le dérèglement climatique est déjà là. L’évidence qu’il faut agir de toute urgence. A quelques mois des élections européennes, l’écologie est devenue une préoccupation majeure des citoyens, au même titre que l’emploi ou le pouvoir d’achat. Des jeunes en premier lieu, dont l’avenir est en jeu.
Changement drastique de nos modes de vie
Il était plus que temps. Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié en octobre 2018, toute augmentation des températures au-delà de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels aggraverait considérablement les impacts sur l’environnement que nous observons déjà partout dans le monde – jusqu’à provoquer, peut-être, un effondrement de notre civilisation. Or, limiter cette hausse à 1,5°C suppose non seulement une immense volonté politique, mais aussi un changement drastique de nos modes de vie. Objectif démesuré ? Raison de plus pour redoubler d’imagination. Et pour donner la parole aux philosophes, historiens, économistes et naturalistes, de plus en plus nombreux à s’être emparés de la question écologique.
> Lire aussi  Ce qu’il faut retenir du rapport du GIEC sur la hausse globale des températures
Faut-il renoncer au progrès ? Les modèles alternatifs locaux sont-ils transposables à grande échelle ? Comment imposer la contrainte écologique dans les politiques publiques ? Articuler l’urgence écologique et la réduction des inégalités ? Quelles nouvelles solidarités construire entre nous et avec la nature ? Les réponses de la philosophe Isabelle Stengers, de l’ancien ministre délégué au développement Pascal Canfin, de l’économiste Eloi Laurent, de la primatologue Jane Goodall et de bien d’autres, réunies dans ce numéro spécial, le confirment toutes : un autre monde est possible. Alors place à l’action, et bonne année 2019 !
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/06/climat-2019-action_5405587_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________
2- Climat 2019. Les nouveaux récits de l’écologie, Le Monde, 03/01/19, 12h40
Catherine Vincent 

Longtemps marginalisée, la question environnementale irrigue aujourd’hui tous les champs des sciences humaines et sociales. Mais comment produire une pensée politique de la catastrophe en cours ?
Quel changement en si peu de temps ! Avant les années 2000, à quelques exceptions près, la communauté française des sciences humaines et sociales considérait la question environnementale comme mineure. Aujourd’hui, on la retrouve partout. En histoire des sciences, en économie, en anthropologie, en droit ou en philosophie, on ne compte plus les étudiants ­désireux de s’en saisir. Comprendre les enjeux de l’anthropocène – période géologique ­commencée il y a deux siècles et quelques, durant laquelle les activités humaines transforment la planète en profondeur – et les conséquences de la crise écologique mobilise désormais tous les savoirs. Jusqu’aux hypothèses extrêmes, tel l’effondrement de notre civilisation. Réaction d’urgence devant l’imminence de la catastrophe ? Phénomène générationnel ? Une chose est sûre : la mise en garde des lanceurs d’alerte contre les dérèglements écologiques, elle, ne date pas d’hier.
« Le discours “avant/maintenant” est très répandu, mais il est inexact, précise l’historien des sciences Christophe Bonneuil. “Avant”, on ne se rendait pas tout à fait compte, on n’avait pas les informations nécessaires, on n’était pas assez réflexifs ; “maintenant”, enfin, les faits parlent et il y a une prise de conscience. En fait, si on regarde en détail ce qui se passe à différentes périodes, on s’aperçoit que la notion d’urgence est présente depuis longtemps. » Dès les années 1960, un puissant courant écologique émerge, notamment aux Etats-Unis, lié à la lutte pour les droits civiques et à l’opposition à la guerre du Vietnam.
> Lire aussi  Climat 2019. Isabelle Stengers : « L’idée de progrès a du plomb dans l’aile »
En 1970, dans un rapport scientifique rendu au président américain Nixon (« The Williamstown Study of Critical Environmental Problems »), l’hypothèse d’une mutation climatique due à la pollution est clairement énoncée. En France, la même année, le mathématicien Alexandre Grothendieck (médaille Fields 1966) fonde le groupe écologiste et politique Survivre et vivre. Deux ans plus tard, paraît dans l’Hexagone le premier numéro du mensuel écologique La Gueule ouverte (sous-titré : « Le journal qui annonce la fin du monde »). En 1972 toujours, le Club de Rome se fait connaître par son premier rapport, « The Limits to Growth » (« rapport Meadows »), traduit en français par l’interrogation « Halte à la croissance ? »… Mais cette interpellation intervient à l’apogée des « trente glorieuses », période durant laquelle mettre une limite à la croissance dans les pays développés paraît inimaginable. Quand aux décennies suivantes, dominées par la mondialisation néolibérale, elles verront surtout les normes environnementales des pays riches favoriser la délocalisation des activités polluantes vers les pays pauvres. Et non pas amorcer une amélioration globale.
> Lire aussi  Remettre l’histoire au cœur de la crise environnementale 
Dans L’Evénement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous (Seuil, 2013), Christophe Bonneuil et son confrère Jean-Baptiste ­Fressoz reviennent longuement sur les constructions intellectuelles qui ont eu pour effet de marginaliser ces alertes environnementales. « Les sociétés de l’anthropocène n’ont pas détruit leurs environnements par inadvertance, ni sans considérer, parfois avec effroi, les ­conséquences de leurs actions,affirment ces deux historiens des sciences. (…) En sociologie et en histoire des sciences, un champ de recherche s’est récemment développé, l’agnotologie », soit l’étude de la production culturelle de l’ignorance. Une discipline en plein essor qui étudie la façon dont les dégâts du « progrès » sont volontairement rendus invisibles – ainsi, les effets de l’amiante, connus dès 1906 et ignorés au prix de centaines de milliers de morts.
Désastre en cours
Le temps de l’agnotologie serait-il derrière nous ? A en juger par la moisson d’essais et de débats désormais consacrés au désastre en cours, nous avons à tout le moins commencé à nous demander Où atterrir ? (La Découverte, 2017), selon le titre d’un ouvrage du philosophe et sociologue Bruno Latour. Professeur émérite à Sciences Po Paris, il fut l’un des premiers intellectuels français à arti­culer la question écologique aux sciences sociales. Et résume ainsi la question de l’urgence climatique : « Ou bien nous dénions l’existence du problème, ou bien nous cherchons à atterrir. C’est désormais ce qui nous divise tous, bien plus que de savoir si nous sommes de droite ou de gauche. »
Mais comment produire une « pensée politique » de ce qui est en train de se passer ? Quand on ne sait plus comment accueillir le réel, la perspective s’ouvre pour de nouveaux récits. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux de la catastrophe écologique sont contrastés. D’un côté, les défenseurs d’une gouvernance supranationale, capitaliste et autoritaire, prenant en main la sauvegarde de la planète à l’aide de la géo-ingénierie : un terme popularisé par l’environnementaliste britannique James Lovelock, qui désigne des techniques visant à manipuler, dans un but correctif, le climat et l’environnement de la Terre. De l’autre, les partisans de la décroissance économique, d’une renaissance des communs et d’un ­basculement révolutionnaire vers des so­ciétés du bien-vivre et de l’autonomie. Entre ces deux extrêmes, toute une gamme de ­positionnements allant du réformisme à la radicalité politique.
> Lire aussi  Jared Diamond : « Quatre dangers menacent l’existence humaine »
Dans un article publié cet automne dans la revue en ligne Terrestres, « La ZAD et le Colibri : deux écologies irréconciliables ? », le philo­sophe Maxime Chédin remarque que « la recherche d’une stratégie commune travaille intensément le mouvement écologiste ». Pourtant, de la « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes aux objectifs plus consensuels ciblés par Cyril Dion (coréalisateur du film ­Demain, en 2015) et le Mouvement Colibris, l’écart est considérable. « La question que je pose, dans cet article, c’est comment on peut cheminer de l’un à l’autre, précise Maxime Chédin. Il y a chez Cyril Dion une idée de l’éco­logie comme grande cause commune de l’humanité, qui pourrait nous rassembler par-delà nos divergences et nos intérêts de classe. Une autre approche consiste à dire qu’on a besoin de désigner des ennemis, non par goût de la confrontation mais parce qu’il faut qu’on identifie ce contre quoi on se bat. »
> Lire aussi  « Mes incontournables » : 7 livres pour comprendre notre rapport à l’environnement, par Stéphane Foucart
Ces deux courants finiront-ils par faire cause commune ? Difficile de prévoir l’avenir quand les scénarios annoncés défient l’entendement. L’imagination atteint son comble lorsqu’elle affronte l’hypothèse, sous l’effet ­conjoint du réchauffement climatique et de la surexploitation des ressources, d’un effondrement systémique global de notre civilisation. Cette perspective, longuement étudiée dans l’ouvrage phare du géographe américain Jared Diamond, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (Gallimard, 2006), a donné naissance à un terme actuellement très en vogue : la ­collapsologie. « Autrement dit, la synthèse de toutes les études scientifiques, toutes disciplines ­confondues, qui parlent de la possibilité que notre monde disparaisse », précise Pablo Servigne, ingénieur agronome et coauteur, avec Raphaël Stevens, de Comment tout peut s’effondrer (Seuil, 2015).
Deux chemins se dessinent
Pour ceux – de plus en plus nombreux – qui considèrent comme inéluctable un ef­fon­drement massif de notre société thermo-industrielle, deux chemins se dessinent. Le plus sombre est celui emprunté par Pierre-Henri Castel dans Le Mal qui vient (Les Editions du Cerf, 128 pages, 12 euros), livre à mi-chemin entre la philosophie et la psychanalyse qui pose un pronostic cinglant : l’homme est un loup pour l’homme, et nous allons entrer dans une période où riches et puissants profiteront à fond des ultimes ressources qui nous restent afin de « jouir de la destruction ». La seconde voie, plus lumineuse – et plus utopiste ? –, est celle tracée par Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle dans leur nouvel ouvrage, Une autre fin du monde est possible (Seuil, 336 pages, 19 euros) : une exhortation à l’entraide, au cheminement intérieur et à la remise en question radicale de notre vision du monde pour affronter ce qui vient. Non pour survivre, mais pour vivre au-delà du choc, en nous étant préalablement préparés – psychologiquement et collectivement – à ce bouleversement majeur.
> Lire aussi  Climat 2019. La démocratie à l’épreuve de l’environnement
Dans le foisonnement de ces nouveaux récits, une troisième voie, si minoritaire soit-elle, mérite d’être signalée : celle que proposent certains transhumanistes pour affronter la crise écologique. Contrairement à l’objectif du courant transhumaniste dominant – améliorer les capacités physiques et mentales des êtres humains –, c’est avec humilité que cette approche vise à transformer l’espèce humai­ne, pour qu’elle devienne… moins nocive. Dans un article publié en 2012 dans la revue Ethics, Policy & Environment sous le titre ­« Human Engineering and Climate Change », des chercheurs de l’université d’Oxford (Grande-Bretagne) suggèrent ainsi « d’utiliser différentes technologies, notamment le génie génétique, afin de rendre les êtres humains respectueux de l’environnement ». Par exemple en les rendant intolérants à la viande, ou en sélectionnant les embryons dont les gènes prédisent une petite taille, celle-ci étant proportionnelle à l’empreinte écologique. Des perspectives qui sembleraient farfelues si elles n’étaient potentiellement soutenues par les moyens scientifiques et financiers des défenseurs du « Good Anthropocene » – tel le Breakthrough Institute, un centre de recherches californien qui se consacre à trouver des « solutions ­technologiques aux défis environnementaux ».
Pas plus que la géo-ingénierie, ce trans­humanisme écologique ne convainc l’éco­nomiste française Geneviève Azam. « Ces perspectives sont autant de moyens de continuer à vouloir gouverner la Terre, et d’adapter l’espèce humaine aux nouvelles conditions de vie que nous aurons nous-mêmes provoquées. Mais ces solutions sont des pis-aller. Il est temps d’admettre les limites de notre toute-puissance, et de cultiver la fragilité au lieu ­d’essayer de la vaincre », affirme l’auteure d’Osons rester humain. Les Impasses de la ­toute-puissance (LLL, 2015). Prônant un humanisme concret, nourri des liens organiques entre les vivants et les écosystèmes, elle estime qu’il faut renverser notre attitude à l’égard du reste du vivant, s’éloigner du dualisme nature/culture qui nous rend étrangers à la biosphère, et passer « d’un anthropocentrisme à un biocentrisme ».
Cet estompement des frontières entre nature et humanité est de longue date au cœur des réflexions de Philippe Descola, titulaire de la chaire d’anthropologie de la nature au Collège de France. En 2017, ce dernier a dirigé un colloque sur « Les Natures en question », dont les actes viennent d’être publiés (Odile Jacob, 336 pages, 26,90 euros). Dans son introduction, il estime que le changement climatique d’origine anthropique rend caducs, plus que tout autre chose, « les cloisonnements entre déterminations naturelles et déterminations humaines ». Il est peut-être encore temps, mais juste temps, de reconnaître la place essentielle des non-humains dans les mondes que nous habitons.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/03/les-nouveaux-recits-de-l-ecologie_5404756_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________
3- Climat 2019. Isabelle Stengers : « L’idée de progrès a du plomb dans l’aile », Le Monde, 03/01/19, 12h38

Propos recueillis par Catherine Vincent 

Selon la philosophe, la croissance s’est imposée comme condition de tout progrès possible, or nous ne pouvons plus penser celle-ci comme avant.
Isabelle Stengers est philo­sophe, professeure à l’université de Bruxelles. Dans son dernier ouvrage, Civiliser la modernité ? Whitehead et les ruminations du sens commun (Les Presses du réel, 2017), elle nous incite à questionner les manières d’activer les savoirs des citoyens, et à expérimenter d’autres manières d’exister.
> Lire aussi  Climat 2019. Les nouveaux récits de l’écologie
Dans notre époque marquée par l’urgence climatique, votre dernier ouvrage invite à prolonger l’héritage d’Alfred North Whitehead (1861-1947). En quoi la pensée de ce philosophe et mathématicien britannique intéresse-t-elle l’écologie ?
Whitehead a décrit ce qu’est la défaite du « sens commun » face à l’argumentation d’autorité, qui se cache elle-même sous l’argumentation de rationalité des sciences. Réinventer le sens commun est nécessaire pour des problèmes d’intérêt commun, et pour la manière dont on traite ces problèmes. Quand rien ne peut être retenu d’autre que ce que la science a prouvé, la dynamique de ce qui fait sens est enrayée. Whitehead pense le monde comme un tissage de processus interdépendants dont nous sommes partie ­intégrante. C’est cette interdépendance que l’écologie souligne lorsqu’elle montre les conséquences de nos choix et nos actions. Il est d’autant plus essentiel de s’en souvenir que c’est sur une terre appauvrie, empoisonnée, au climat profondément perturbé que nos descendants auront à vivre : il leur faudra donc participer à la fabrique de mondes.
> Lire aussi  Climat 2019. La démocratie à l’épreuve de l’environnement
Face à la menace climatique, que devient ce principe fondamental de la modernité qu’est l’idée du progrès ?
Elle a du plomb dans l’aile, et cela ne date pas d’hier. Durant les grandes grèves de 1995, je me souviens avoir lu un sondage selon lequel la majorité des Français ne pensaient pas que la vie de leurs enfants serait meilleure que la leur. Je me suis dit alors que l’idée de progrès perdait de son emprise. Cela peut être inquiétant : quand une idée qui a mobilisé pendant plus de deux siècles vient à lâcher, beaucoup de choses peuvent se passer – y compris la phobie actuelle de l’immigration, qui est un des symptômes de cette rupture. Il va nous falloir réapprendre à poser les questions que le progrès a permis d’économiser. La croissance s’est imposée comme condition de tout progrès possible, or nous ne pouvons plus penser celle-ci comme avant. Face au progrès qui dit « nous pouvons », le sens commun, de plus en plus, répond « pour qui, et pour faire quoi ? ». Cela peut être une chance pour inventer d’autres manières d’être au monde.
Cela nous permettra-t-il d’affronter les inconnues de la catas­trophe écologique qui vient ?
Dans Les Trois Ecologies [Galilée, 1989], Félix Guattari écrivait que nous étions les héritiers d’une triple catastrophe écologique : au niveau de l’environnement ; au niveau de la capacité sociale à produire du sens ; au niveau des mentalités individuelles. Les trois niveaux communiquent, et génèrent ce que nous voyons à l’œuvre aujourd’hui : un désarroi profond, mais pas d’issue. On continue d’attendre de ceux qui nous gouvernent qu’ils nous guident vers une solution, tout en étant sceptiques quant à l’idée qu’ils en sont capables – ou même qu’ils en ont la moindre volonté. Comme s’il n’y avait plus personne à la barre, et que l’impuissance ­prévalait. Sauf chez certains, que l’on pourrait qualifier d’activistes.
Ces activistes ne sont pas des militants classiques, unis et mobilisés autour d’une cause, mais plutôt des groupes de personnes capables d’intervenir dans des situations qui leur semblent importer aujourd’hui. Cela peut aller des initiatives locales pour lutter ­contre le réchauffement climatique aux tentatives de démocratie directe mises en œuvre dans certaines villes, en passant par la ZAD de Notre-Dame-des-Landes [Loire-Atlantique]. Toutes ces expériences participent à la résurgence des communs – c’est-à-dire la mise en commun d’une terre, d’un lieu ou d’une pratique qui avait été privatisée depuis si longtemps que tout s’y oppose. Cette lutte politique ouvre une inconnue de plus. Mais on a besoin d’inconnues, car le connu est désespérant.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/03/isabelle-stengers-l-idee-de-progres-a-du-plomb-dans-l-aile_5404753_3232.html>

_______________________________________________________________________________________________________________________

4- Climat 2019. La démocratie à l’épreuve de l’environnement, Le Monde, 03/01/19, 12h38
Stéphane Foucart 

Pour respecter l’accord de Paris, les gouvernements doivent mettre en place des mesures radicales et impopulaires. Ou accepter de subir les effets du réchauffement climatique qui, par ailleurs, pousse au pouvoir les mouvements politiques les moins démocratiques.
La crise climatique et environnementale est-elle soluble dans la démocratie de marché ? La révolte des « gilets jaunes » et l’abandon des taxes sur les carburants posent, à nouveau, cette inconfortable question. Dans un régime démocratique où l’essentiel de l’offre politique fait de la croissance économique l’objectif ultime du bon gouvernement, l’endiguement des émissions de gaz à effet de serre est-il seulement possible ?
> Lire aussi  Dominique Bourg : « La priorité politique devrait être de préserver l’habitabilité de la planète »
Le défi démocratique que pose la question environnementale est en réalité à plusieurs niveaux. Le premier est fondamental : c’est celui du diagnostic qu’il existe, bel et bien, un problème à régler. Car le changement climatique ne peut s’éprouver individuellement. Il ne peut s’apprécier qu’au niveau mondial, sur le temps long, et fait peser des risques plus systémiques qu’individuels. Il échappe donc à notre perception : seule la production de connaissances scientifiques permet de l’objectiver. La science devient ainsi, selon l’expression du philosophe Dominique Bourg, une sorte de « prothèse », seule capable de nous faire éprouver la réalité d’un problème inaccessible à nos sens. Elle est un intermédiaire nécessaire sans lequel aucun choix démocratique éclairé n’est possible.
Tous climatosceptiques ?
Mais cet intermédiaire dilue notre perception des risques réels. Le résultat est une forme d’incrédulité, une tendance à relativiser ces risques, voire à en nier l’existence – une tendance proportionnelle à leur magnitude même. Le philosophe australien Clive Hamilton le dit dans Requiem pour l’espèce humaine (Presses de Sciences Po, 2013) : l’énormité du péril climatique et son caractère insaisissable font de nous tous des ­climatosceptiques, en constant décalage entre la connaissance du problème et l’insouciance avec laquelle nous poursuivons collectivement nos activités ­quotidiennes. Sans véritable ­conscience des enjeux, le choix démocratique éclairé est-il seulement possible ?
> Lire aussi  Dennis Meadows : « La démocratie a échoué à traiter le problème environnemental »
Ce climatoscepticisme est accentué par la courte vue de nos désirs individuels. « Les problèmes engendrés par le changement climatique et la pollution exigent de déployer des mesures extrêmement coûteuses à court terme, mais dont les effets ne se mesureront pas avant des décennies,confiait au Monde le ­physicien Dennis Meadows, coauteur du rapport du Club de Rome, en 1972. Aucun homme politique ou parti ne ­remportera une élection avec un tel programme. C’est la limite de la démocratie, qui a échoué à traiter le problème ­environnemental – même si elle reste le meilleur régime que nous connaissions. »
> Lire aussi  « Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité » : l’appel de 200 personnalités pour sauver la planète
Or, pour demeurer sous le seuil de 1,5 °C de réchauffement, la transition à accomplir est aujourd’hui hors ­d’atteinte sans des mesures radicales de planification de l’économie mondiale, donc des restrictions massives au droit d’entreprendre et de consommer. Longtemps taboue, l’idée d’une nécessité de la contrainte, de la prise de décisions impopulaires commence à faire son ­chemin – on la retrouve dans le discours du physicien Aurélien Barrau, initiateur de l’« appel des 200 », publié par Le Monde le 3 septembre. De plus, comme le fait ­remarquer Jean-Marc ­Jancovici, le président du Shift Project – un think tank dévolu à la décarbonation de l’éco­nomie –, les bouleversements qu’im­posera le réchauffement aux sociétés, notamment en termes de migrations, vont favoriser l’arrivée au pouvoir de mouvements politiques peu enclins à défendre les valeurs démocratiques. L’alternative est sombre : renoncer à la forme actuelle de la démocratie pour endiguer le réchauffement, ou attendre que ­celui-ci ait raison de la démocratie ?
> Lire aussi  Aurélien Barrau, des astres au désastre climatique
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/03/la-democratie-a-l-epreuve-de-l-environnement_5404750_3232.html>

_______________________________________________________________________________________________________________________
5- Climat 2019. Les atouts de l’initiative locale, Le Monde, 04/01/19, 08h00
Marion Rousset 

Les villes et les villages sont les mieux placés pour observer les habitudes des habitants, accueillir les actions citoyennes, impulser de nouvelles dynamiques et accompagner l’évolution des modes de vie.
C’est un travail de fourmi qui commence à peine à se coordonner. En 2017, le premier sommet international des « fearless cities » s’est tenu à l’université de Barcelone. Ces « villes sans peur » se sont regroupées sous la bannière du « municipalisme » – une théorie en vogue qui plaide pour investir l’échelon municipal, face à des Etats bien en peine d’imaginer une société post-croissance, plus verte et plus équitable. « Les villes et les villages peuvent servir de tremplin pour opérer une transition écologique et économique », estime ainsi le Québécois ­Jonathan Durand Folco, docteur en philosophie et professeur à l’Ecole d’innovation sociale de l’université Saint-Paul d’Ottawa.
> Lire aussi  Climat 2019. Pascal Canfin : « La moitié de la fiscalité écologique doit être redistribuée aux Français »
De fait, les communes et les intercommunalités ont des atouts indéniables. D’abord parce que le transport, le logement, la gestion des déchets comme celle des espaces verts sont en général de leur compétence juridictionnelle. Mais aussi parce qu’elles sont plus proches des citoyens et de leurs besoins : « Quand des habitants se réapproprient les institutions municipales pour utiliser leur pouvoir d’agir, ils peuvent soulever des montagnes. Au Québec, des groupes de citoyens se sont mobilisés dans des conseils municipaux, si bien que 136 villes ont pris position contre un projet d’oléoduc pourtant soutenu par des industriels influents au niveau des Etats », poursuit le jeune chercheur. L’an dernier, il a fait une apparition remarquée à Grenoble. Au point que son essai – A nous la ville ! Traité de municipalisme (Ecosociété, 2017) – est devenu la bible d’Eric Piolle, le maire de cette cité alpine. « Je l’ai truffé de marque-pages ! », s’exclame-t-il.
Parmi les initiatives dont l’élu écologiste est le plus fier : le lancement d’une centrale photovoltaïque installée sur une ancienne mine de charbon. Tout un symbole. Côté transports, les voies piétonnes et cyclables se sont étendues, le nombre de vélos en ­location a été multiplié par deux, les bus fonctionnant au diesel ont disparu, trois nouvelles lignes de tramway ont été inaugurées, la flotte automobile de la ville s’est réduite à l’essentiel, les véhicules de fonction ont été supprimés… « Nous mettons en œuvre des projets concrets, poussés par nos citoyens, qui étaient plus de 10 000 à marcher pour le climat en décembre », se félicite Eric Piolle. Et de préciser : « Les villes ont une capacité de résistance aux lobbys plus forte que les instances nationales. »
« Solutions adaptées »
Candidate au titre de « capitale verte européenne », Lille tente elle aussi d’impliquer les habitants, en organisant des « conversations carbone » : un groupe d’échange de pratiques qui s’inspire d’une initiative menée au Royaume-Uni depuis dix ans, pour accompagner les Lillois vers un mode de vie plus sobre en CO2. Confrontée à de fréquents pics de pollution aux particules très fines, la ville s’est promis de réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, lorsqu’elle a signé, en 2017, la nouvelle Convention des maires pour le climat et l’énergie. Pour y parvenir, elle bat plusieurs fers à la fois : rénover le parc social et soutenir les chantiers de rénovation dans le privé, diminuer la part de diesel dans la flotte municipale, développer l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures municipales, généraliser les limitations à 30 km/h… « Les enjeux de Lille, qui est une ville dense et minérale, ne sont pas les mêmes qu’à Nantes, Bordeaux ou Grenoble. Chaque ville est obligée de trouver des solutions adaptées à son histoire et à sa géographie, et c’est ce qui donne de la force au municipalisme, qui part du terrain », argumente Audrey Linkenheld, conseillère municipale déléguée à la mixité et à l’innovation sociale.
> Lire aussi  Climat 2019. Pascal Canfin : « La moitié de la fiscalité écologique doit être redistribuée aux Français »
Est-ce à dire que l’avenir du climat se joue désormais au cœur des villes ? Une chose est sûre : le pouvoir des Etats est de plus en plus concurrencé par un fourmillement d’initiatives locales qui traduisent un désir d’avancer ici et maintenant sur les dossiers en jachère. « Face à l’essoufflement du ­projet néolibéral, qui s’accompagne d’une crise de la représentation et d’une défiance envers les élites, on a vu émerger un mouvement qui essaie d’opérer des transitions au niveau local. Il traduit une forme d’urgence d’agir contre le changement clima­tique,analyse Jonathan Durand Folco. La ville offre aux gens l’opportunité de retrouver un pouvoir d’agir sur leur vie. Ils peuvent y expérimenter de nouvelles formes de démocratie directe. » Très directes, parfois.
Energie citoyenne
Ainsi le mouvement des « transitionneurs » – lancé en 2005 par le Britannique Rob Hopkins dans la petite cité anglaise de Totnes – s’appuie-t-il sur un principe d’auto-organisation citoyenne. Face au réchauffement climatique, ce professeur de permaculture se met en tête de trouver des solutions et de revisiter le mot d’ordre de la culture punk « DIY » (Do it yourself). Car « plus vous montez dans la hiérarchie du pouvoir et des institutions, de l’Etat évidemment, plus l’imagination s’évapore ! », affirme-t-il dans la revue Vacarme. Cette expérience a servi de rampe de lancement à tout un réseau de « villes en transition » au sein desquelles des habitants se forment pour installer des panneaux photovoltaïques sur les toits d’un quartier de HLM, lèvent des fonds, cultivent des jardins partagés, créent des écoquartiers… Une énergie citoyenne qui trouve parfois un débouché politique dans le municipalisme, comme à Ungersheim, en Alsace, où les « agents de l’Etat parlent comme des transitionneurs », observe Rob Hopkins.
> Lire aussi  Climat 2019. « L’environnement est la nouvelle frontière des inégalités »
Mais attention. La France n’est pas l’Allemagne, ni même l’Angleterre, l’Espagne ou la Suisse. Jo Spiegel, membre du parti Place publique (lancé cet automne par plusieurs personnalités, dont Raphaël Glucksmann) et maire de Kingersheim, une petite commune du Haut-Rhin située à quelques ­kilomètres de Mulhouse, est aussi un animateur du plan climat : « Nous vivons dans un vieux pays très jacobin. En Suisse, on réalise au niveau national ce qu’on ne peut pas faire localement. Chez nous c’est l’inverse ! », s’exclame-t-il. Une façon d’ignorer que « les intercommunalités sont le lieu de communautés de destin ».
————————–
Désobéissance civile
Son logo : un sablier dans un cercle représentant la Terre. Son slogan : « We don’t have time » (« On n’a plus le temps »). Né il y a quelques mois en Grande-Bretagne, Extinction Rebellion ne se contente pas de participer sagement aux marches pour le climat, qui se multiplient partout dans le monde. Inspiré par la lutte pour les droits civiques des Noirs américains, ce mouvement de désobéissance civile en appelle à l’action non violente – par exemple, bloquer la circulation sur les principaux ponts de Londres – pour dénoncer la passivité des politiques au regard de l’urgence écologique. Prêts à aller en prison, ses ­membres ont reçu en octobre le soutien d’une centaine d’universitaires britanniques – rejoints deux mois plus tard par autant d’intellectuels internationaux, parmi lesquels le linguiste américain Noam Chomsky et l’essayiste canadienne Naomi Klein. Extinction Rebellion pose trois exigences : que le gouvernement dise la gravité de la situation ; qu’il prenne des mesures pour réduire à zéro les émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2025 ; que soit créée une assemblée citoyenne qui travaillerait avec les scientifiques pour superviser les changements.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/04/climat-2019-les-atouts-de-l-initiative-locale_5405032_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________

6- Climat 2019. « L’environnement est la nouvelle frontière des inégalités », Le Monde, 04/01/19, 10h19
Par Eloi Laurent, économiste (Sciences Po et université Stanford). Il a écrit notamment « Notre bonne fortune. Repenser la prospérité » (PUF, 2017)

Dans sa tribune au « Monde », l’économiste Eloi Laurent assure que tous les défis écologiques sont des questions sociales. Pour lui, si les inégalités environnementales ne sont pas désamorcées, elles risquent d’exploser au visage des responsables politiques.
Tribune.
 La révolte des « gilets jaunes » est la première crise sociale-écologique de la France contemporaine. Elle pose la question majeure, trop longtemps éludée, du basculement dans la pauvreté des individus piégés par les énergies fos­siles. De nombreuses crises suivront, certaines fulgurantes, d’autres lancinantes. Pourquoi ? Parce que tous les défis écolo­giques sont des questions sociales. L’environnement est la nouvelle frontière des inégalités : soit celles-ci seront désamorcées, soit elles exploseront au visage des responsables politiques comme autant de bombes sociales à retardement. Mais elles ne disparaîtront pas par enchantement.
Face à ces crises sociales-écologiques, sommes-nous prêts ?
Une crise sociale-écologique fulgurante ? L’injustice de destin face aux canicules qui frappe les personnes âgées isolées. L’expérience dramatique de la canicule de 2003 (15 000 morts en France) est hélas amenée à se répéter. Les victimes étaient à 90 % des personnes âgées de plus de 65 ans, dont l’isolement social a constitué un facteur de risque aggravant de décès. Le croisement des deux cartes de l’isolement social des personnes âgées et du risque de canicule nous fournit un précieux indicateur social-écologique de vulnérabilité climatique des territoires français. Les régions Bretagne, Ile-de-France et Hauts-de-France sont à cet égard en danger.
Une crise sociale-écologique lancinante ? L’injustice sanitaire frappant les enfants des zones urbaines françaises polluées aux particules fines. Un garçon né dans un quartier de Marseille à proximité d’un axe de transport est victime d’une inégalité environnementale qui peut l’affecter pour des décennies ; de même pour une jeune Parisienne habitant près du périphérique lors d’un pic de pollution aux particules fines. L’écologie, c’est la santé. Et la liste des inégalités face aux « cancers environnementaux » est longue.
Face à ces crises sociales-écologiques, sommes-nous prêts ? A l’évidence, non. Nous avons de surcroît de bien mauvais réflexes politiques. Ainsi le gouvernement Macron-Philippe s’empresse de supprimer la taxe carbone devant la révolte sociale, amputant encore la famélique fiscalité environnementale française. Il ne faut pas jouer le social contre l’écologie à courte vue, mais travailler à intégrer les deux dans la durée. Comment ? En construisant la transition sociale-écologique.
Transition sociale-écologique
Pour le dire simplement : il n’y aura pas de transition écologique sans transition sociale. Il est donc indispensable d’articuler les crises écologiques avec les questions sociales, en gardant toujours à l’esprit que le processus de transition doit être juste. Cela suppose un changement des comportements et des attitudes s’appuyant sur un narratif mobilisateur, sur un récit commun positif – celui de l’apaisement simultané de la crise des inégalités et de la crise écologique. En outre, cette transition ne peut être que graduelle. Elle doit s’étayer sur des institutions et des politiques publiques qui se construisent et se renforcent au fil du temps – on ne saute pas par magie d’un état social à un autre.
Il importe donc de préciser la nature des politiques sociales-écologiques dans trois domaines-clés : la lutte contre les inégalités sociales, l’emploi et la santé, la protection sociale. Lutter contre les inégalités, car ­elles nourrissent les crises écologiques – et celles-ci les aggravent en retour sous la forme de nouvelles inégalités « environnementales ». Nous avons donc une bonne raison écologique de réduire nos inégalités sociales, et une bonne raison sociale d’atténuer nos crises écologiques.
Construire un Etat social-écologique
Privilégier l’emploi et la santé, en axant les politiques de transition sur l’atteinte de deux doubles dividendes : la santé-climat et l’emploi-climat. La notion de double di­vidende traduit l’idée que la mise en place d’une mesure permet simultanément deux améliorations pour la collectivité. Or, de nombreuses études montrent que le déploiement des énergies renouvelables et la sobriété énergétique conduisent à réduire les pollutions locales (comme les particules fines), mais aussi à créer des emplois (le ­scénario négaWatt prévoit la création de 100 000 emplois à temps plein en 2020, 400 000 en 2030) et à stabiliser les prix de l’énergie. C’est la notion capitale de « co-bénéfices », humains comme écologiques, qui doit guider nos politiques nationales et locales au XXIe siècle.
> En vidéo : Eloi Laurent : Il faut transformer l’Etat providence, France Info, Un monde d’idées, il y a 5 ans
Refonder notre protection sociale, enfin, en construisant un Etat social-écologique calibré pour les temps nouveaux, où la crise des inégalités et la crise écologique s’entremêlent et se renforcent. Cet Etat aura pour mission de garantir une protection sociale-écologique aux plus vulnérables – groupes sociaux comme territoires –, sur un principe de mutualisation des risques, tout comme l’Etat-providence l’a fait pour les risques sociaux depuis plus d’un siècle avec tant de succès. Cette transition est poly­centrique : tous les territoires et toutes les communautés sont appelés à y contribuer.
Aussi improbable que cela puisse paraître, il nous faut transformer le péril climatique en une chance : une chance de réduire les inégalités de développement humain, une chance d’améliorer la santé des plus vulnérables, une chance de renforcer le lien social et la communauté de destin entre les générations, une chance de créer des emplois durables et de réinventer notre protection sociale. Nous en avons tous les moyens.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/04/climat-2019-la-nouvelle-frontiere-des-inegalites_5404984_3232.html>

_______________________________________________________________________________________________________________________
7- Climat 2019. Pascal Canfin : « La moitié de la fiscalité écologique doit être redistribuée aux Français », Le Monde, 04/01/19, 08h00
Propos recueillis par Catherine Vincent  Publié

Le directeur général de WWF France avance quelques pistes pour montrer comment imposer la contrainte écologique dans les politiques publiques.
Pascal Canfin est directeur général du Fonds mondial pour la nature (WWF) France. Il a été député européen Europe Ecologie-Les Verts (EELV) de 2009 à 2012 et ministre délégué au développement de mai 2012 à mars 2014.
Le mouvement des « gilets ­jaunes » illustre combien peuvent s’opposer la lutte contre le réchauffement climatique et les revendications des Français en matière de pouvoir d’achat. Quelle pourrait être la réponse des politiques publiques pour éviter cet écueil ?
Première leçon à tirer de ce qui a déclenché le mouvement des « gilets jaunes » : pour opérer la transition écologique, la taxe carbone doit continuer à augmenter ; mais il faut qu’au moins 50 % de la fiscalité écologique soit redistribuée aux Français afin de les accompagner dans leurs changements de pratiques – en ciblant en priorité ceux pour lesquels les alternatives sont les plus complexes. On en est très loin aujourd’hui.
Deuxième leçon : il faut innover dans la production des politiques publiques, et organiser des « hackathons » [contraction de hack et marathon, le mot désigne un processus créatif répandu dans le domaine de l’innovation numérique, qui consiste à réunir des développeurs dans une démarche collaborative] autour de questions précises. Exemple : comment développer les alternatives à la voiture individuelle fossile en zone périurbaine ? Il s’agit de mettre tous les acteurs concernés – start-up, constructeurs automobiles, régies de transport, élus locaux, régions, Caisse des dépôts, banques, etc. – autour de la table pour trouver une solution.
La transition écologique impose de bouleverser les formes habituelles de production des politiques publiques, parce que les obstacles qui s’y opposent sont ultra-concrets – tel un syndic qui ne votera pas les travaux d’isolation d’un immeuble. Or, ces obstacles ne sont jamais pris en compte par les cabinets ministériels, qui en sont très éloignés. Du coup, les belles intentions ne sont pas suivies d’actes. D’où l’intérêt des hackathons, qui permettent de créer de la trans­versalité et de partir du quotidien. Ils devraient être organisés grand enjeu par grand enjeu, de façon ­territorialisée. En commençant par trois priorités : la mobilité péri­urbaine ; l’isolation thermique des logements ; la transition agricole.
Quels sont les principaux atouts de l’Etat pour accélérer la transition écologique ?
L’Etat a trois rôles majeurs à jouer. D’une part, s’assurer de la cohérence des politiques publiques avec les grands objectifs posés par l’accord de Paris (2015) sur le climat. D’autre part, faire levier en tant qu’investisseur. L’essentiel du financement nécessaire à cette transition doit provenir des investisseurs privés, mais, pour le déclencher, l’Etat doit partager un peu de risques avec eux – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Troisième rôle enfin : celui de chef d’orchestre. Il faut que l’Etat réunisse les musiciens de la transition – et ils sont nombreux – dans un même ensemble instrumental, afin que soient créés les outils, les consensus et les mobilisations nécessaires.
La démission de Nicolas Hulot a remis en pleine lumière ­l’impuissance récurrente de son ministère. Que faudrait-il faire, concrètement, pour que l’écologie devienne transversale dans l’action du gouvernement ?
En premier lieu, aligner le budget avec l’accord de Paris, au plus tard à la fin de ce quinquennat. C’est fondamental : même s’il ne résume pas la totalité des politiques publiques, le budget est le bras armé de l’Etat. On transmet deux dettes à nos enfants, une dette financière et une dette écologique. Il nous faut donc avoir deux boussoles, associer à la dette financière une dette carbone, et piloter la réduction des deux en parallèle. Or, actuellement, en France comme ailleurs, il n’y a pas de mécanisme qui contraint les gouvernements à piloter la dette carbone.
Deuxième proposition concrète, reprise par Nicolas Hulot quand il était ministre : créer pour l’écologie l’équivalent du Conseil de défense. Réunir à dates régulières autour du président de la République tous les ministres concernés – finances, logement, transports, agriculture et bien sûr transition écologique – pour faire un point sur les avancées des propositions et des me­sures. Imaginez ce Conseil couplé à un budget aligné avec l’accord de Paris, et vous avez totalement transformé le cadre des politiques publiques en matière de transition écologique.
Comment l’Etat peut-il élargir l’impact des bonnes pratiques, qui se multiplient à l’échelle ­locale mais sont rarement ­généralisées ?
Qu’il s’agisse d’initiatives publiques ou privées, le rôle de l’Etat est d’aller chercher ces bonnes pra­tiques, qui restent l’exception, et d’en faire la règle. Il s’agit d’exploiter cette richesse et ces énergies ­locales, non pas simplement en les donnant en exemple – on n’a plus le temps pour cela –, mais en adossant une politique publique sur ces innovations.
Prenons trois exemples. Le distributeur Casino a récemment mis en place un étiquetage pour ses produits de volaille en se basant sur 230 critères, dont le transport, les soins et la méthode d’abattage. A Strasbourg, 15 % des déplacements en centre-ville se font à vélo – c’est la ville française qui en utilise le plus. Enfin, des dizaines de milliers d’agriculteurs travaillent désormais en bio et se passent de glyphosate. Que ce soit dans le domaine de l’alimentation, de l’agriculture ou de la mobilité, ces objectifs sont donc atteignables. Il faut inverser la charge de la preuve, et comprendre pourquoi ces bonnes pratiques sont possibles au lieu d’expliquer pourquoi elles ne le sont pas. Pour les généraliser, le rôle de l’Etat est triple : fixer des objectifs ambitieux mais réalistes ; expertiser les meilleures techniques et en faire le standard ; accompagner les investissements nécessaires pour y parvenir.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/04/climat-2019-pascal-canfin-la-moitie-de-la-fiscalite-ecologique-doit-etre-redistribuee-aux-francais_5405030_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________
8- Climat 2019. Vers l’émergence d’une justice climatique, Le Monde, 04/01/19, 13h00
Frédéric Joignot 

Le droit permet déjà de saisir les tribunaux pour obliger les gouvernements et les entreprises à protéger l’environnement. Reste à inscrire la notion d’« écocide » dans les statuts de la Cour pénale internationale.
Lundi 17 décembre, les ONG Greenpeace, Oxfam, la Fondation pour la nature et l’homme et l’association Notre affaire à tous ont lancé une pétition en ligne, disponible sur le site Laffairedusiecle.net, pour soutenir un recours en justice contre l’Etat français pour « carence fautive » dans son action pour contenir le changement climatique. A l’heure où nous bouclons cet article, elle a recueilli près de 2 millions de signatures. Du jamais-vu ! La société civile et les ONG vont-elles réussir, à travers des procès médiatisés, à obliger les gouvernements et les entreprises à prendre leurs responsabilités concernant le réchauffement planétaire ?
> Lire aussi  Climat 2019. Valérie Cabanes : « Reconnaître la nature comme sujet de droit »
Depuis 2015, les litiges devant les ­tribunaux se multiplient autour du monde, jouant sur tous les outils juridiques disponibles, qu’ils soient nationaux ou internationaux. La juriste spécialiste du droit de l’environnement Marta Torre-Schaub, directrice de recherche au CNRS, constate que « la question climatique sort du cadre des négociations internationales, devient une cause citoyenne et se transfère devant les cours nationales, s’appuyant sur les constitutions et les lois fondamentales de chaque pays pour nourrir leurs contentieux ». Le climat devient ainsi, litige après litige, un nouveau sujet du droit.
> Lire aussi  Les associations, nouvelles bêtes noires des entreprises
Marta Torre-Schaub donne plusieurs exemples emblématiques. En 2015, au Pakistan, un fermier panjabi, Asghar Leghari, fatigué de voir ses récoltes ­ravagées par les intempéries répétées, a attaqué le gouvernement fédéral devant la Haute Cour de Lahore pour « inaction, retard et absence de sérieux (…) dans la mise en œuvre de la politique nationale de lutte contre le changement climatique (…), portant atteinte aux droits constitutionnels fondamentaux à la vie et à la dignité ».
Le procès a passionné le pays, et Asghar Leghari a été entendu. Dans une ordonnance rendue le 4 septembre 2015, la cour a déclaré : « Il s’agit d’un appel clair à la protection des droits fondamentaux des citoyens du Pakistan, en particulier des couches vulnérables et faibles de la société, incapables de s’adresser à cette cour. » Elle a ordonné au gouvernement de créer une commission composée de membres des ministères concernés afin d’accélérer la politique de l’Etat en matière de lutte contre la déforestation et l’émission de gaz à ­effet de serre (GES).
« Contrer le danger imminent »
Autre procès notable, celui intenté par l’association Urgenda au nom de 886 citoyens : en juin 2015, celle-ci a porté plainte contre l’Etat néerlandais, exigeant qu’il réduise les émissions de GES du pays d’au moins 25 % d’ici à 2020 par rapport à 1990. Le Tribunal de La Haye, contre toute attente, leur a donné raison, avançant cet argument : l’Etat néerlandais peut « faire plus pour contrer le danger imminent causé par le changement climatique, étant donné son devoir de diligence à protéger et améliorer l’environnement » et « à prendre des mesures de précaution pour ses citoyens ». Le 9 octobre 2018, la cour d’appel a confirmé ce jugement, affirmant que l’Etat agissait « illégalement et en ­violation du devoir de diligence ».
> Lire aussi  L’Etat poursuivi par des ONG pour inaction climatique
Pour Marta Torre-Schaub, cette référence au devoir de diligence ou duty of care – « un principe du droit international qui impose aux Etats, aux institutions et aux multinationales d’exercer un devoir de vigilance pour ne pas créer de dommages à autrui » – est ­essentielle pour l’avenir de la justice climatique. Car « elle associe la protection de la vie des citoyens, de leur domicile et de leur vie familiale, et, par là, les droits de l’homme, aux risques du ­réchauffement ». Dans son jugement, la Cour de La Haye a en effet rappelé les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui donnent au gouvernement « l’obligation positive d’agir de manière ­concrète pour prévenir une future ­violation » des intérêts des citoyens. Autrement dit, précise Marta Torre-Schaub, « devoir de diligence face au dérèglement climatique et droits de l’homme sont ici juridiquement liés ». C’est un précédent historique.
> Lire aussi  L’Etat poursuivi par des ONG pour inaction climatique
Aux Etats-Unis, une autre action en justice mobilise actuellement l’opinion. Intentée en 2015 par 21 enfants et adolescents, avec l’appui de l’association Our Children’s Trust, ­contre l’Etat fédéral auprès du tribunal de l’Oregon, l’affaire Juliana (du nom de l’aînée des plaignants) reproche au gouvernement de ne pas s’attaquer au réchauffement climatique. Et, en conséquen­ce, de violer la doctrine américaine du public trust, qui doit respect et protection aux ressources naturelles communes. L’Etat fédéral, estiment-ils, bafoue ainsi « les droits constitutionnels de la jeune génération à la vie, à la liberté et à la propriété ». La justice américaine a rejeté à plusieurs reprises les requêtes du gouvernement Trump de suspendre cette action, qui pourrait être tranchée par la Cour suprême.
Marta Torre-Schaub rappelle encore que l’accord de Paris pris en décembre 2015 (COP21) de limiter l’augmentation de la température à 2 °C, rendu opérationnel en décembre 2018 par le guide d’application de la COP24, est à mi-chemin entre le droit « doux » (soft law, n’imposant pas de contrainte) et le droit « dur » (hard law, contraignant). Il impose en effet aux Etats signataires une action programmatique pour réduire les GES, une révision de celle-ci à la hausse tous les cinq ans et la transparence sur cette action. Il peut donc, lui aussi, être invoqué dans des actions de justice.
> Lire aussi  Le gouvernement américain pourra être jugé pour sa responsabilité climatique
Tous ces contentieux, poursuit la juriste, sont « la face visible d’attentes nouvelles en matière de justice climatique », et se rejoignent dans la demande de prise en compte des responsabilités climatiques des Etats et des entreprises. « Soulevant des questions de droit public ou privé, mettant en jeu l’application des grands principes environnementaux, portant au-devant de la scène des droits fondamentaux, ces litiges font preuve d’une grande ingéniosité juridique tant de la part des requérants – parfois de simples citoyens – que des juges », souligne Marta Torre-Schaub.
Les actions de grande ampleur restent toutefois entravées par le fait que ni la Cour pénale internationale (CPI) ni la Cour internationale de justice (CIJ) n’ont autorité pour se saisir des questions environnementales. D’où la mobilisation de certains juristes pour que la notion de crime ­contre l’environnement, ou « écocide », soit inscrite dans les statuts de la CPI.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/04/climat-2019-vers-l-emergence-d-une-justice-climatique_5405178_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________
9- Climat 2019. Valérie Cabanes : « Reconnaître la nature comme sujet de droit », Le Monde, 04/01/19, 13h00
Propos recueillis par Frédéric Joignot 

La juriste spécialisée dans les droits de l’homme et le droit humanitaire, combat pour faire reconnaître l’écocide, ou crime contre l’environnement.
Valérie Cabanes est juriste en droit ­international, spécialisée dans les droits de l’homme et le droit humanitaire. Elle est notamment l’au­teure de Homo ­Natura. En harmonie avec le vivant ­(Buchet-Chastel, 2017).
> Lire aussi  Reconnaissons la nature comme sujet de droit
Depuis 2016, vous avez mené plusieurs combats juridiques symboliques pour faire reconnaître le concept de crime contre l’environnement, ou « écocide ». Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai fait partie du comité organisateur du Tribunal Monsanto en 2016, qui a conclu symboliquement, sous forme d’avis juridique, qu’il était nécessaire de reconnaître et d’inclure le crime d’écocide dans le statut de la Cour pénale internationale (CPI), entendu comme « un endommagement grave de tout ou partie du système des communs planétaires et/ou d’un système écologique de la Terre », afin de ­permettre la poursuite des personnes physiques et morales soupçonnées de porter atteinte à la sûreté de la planète. Au sein de l’association Notre affaire à tous, fondée en 2015 à la veille de la COP21 avec Marie Toussaint, nous menons par ailleurs des actions en justice qui visent à mettre en évidence la responsabilité d’entreprises, mais aussi de l’Etat ou de l’Europe, en lien notamment avec le changement climatique. Depuis quelques mois, nous accompagnons ainsi treize collectivités qui ont décidé d’interpeller Total, l’entreprise française qui émet le plus de gaz à effet de serre au monde.
> Lire aussi  Procès de Monsanto : « Porter atteinte à l’écosystème Terre, c’est menacer la paix, l’humanité »
Où en sont les avancées concernant la notion d’écocide ?
Aucun amendement du statut de la CPI sur l’écocide n’est encore à l’agenda d’une future assemblée générale des Etats parties. Mais un pays,le Vanuatu, envisage pour la première fois d’attaquer en justice les multinationales des énergies fossiles et les pays qui les financent pour leur rôle dans le changement climatique. En 2016, le Vanuatu avait déjà demandé la reconnaissance de l’écocide par le droit pénal international, en mar­ge de l’assemblée générale des Etats parties à la CPI : il se dit prêt aujourd’hui à tenter de provoquer une décision jurisprudentielle devant une cour internationale pour faire reconnaître les ­responsabilités des pollueurs.
> Lire aussi  Climat 2019. Vers l’émergence d’une justice climatique
Quant à l’adoption par la société civile du concept d’écocide pour décrire certaines pratiques industrielles et catastrophes écologiques, elle rencontre des soutiens. Prenons, par exemple, la catastrophe du Rio Doce, au Brésil : le 5 novembre 2015, un barrage de déchets miniers s’est rompu dans l’Etat du Minas Gerais, et 56 millions de mètres cubes de boues toxiques se sont déversés sur 680 km dans la vallée du fleuve. Ce ­désastre a été qualifié d’écocide par les associations, car il est considéré comme un crime et non un accident.
Vous demandez qu’on accorde un statut de personnalité juridique à des entités naturelles. Pourquoi ?
Aujourd’hui, le droit manque d’une vision écosystémique et il ne reconnaît les préjudices écologiques – quand il les reconnaît – qu’après le désastre. Il nous faut absolument adopter une posture préventive. Or, c’est ce que permet l’attribution d’une personnalité juridique à la nature. Celle-ci peut alors défendre son droit « fondamental » – donc non conditionné à des devoirs – à exister, se régénérer et s’épanouir, indépendamment des services qu’elle rend ou pas aux humains. Ce qui, au final, permet aux espèces et écosystèmes vivants de jouer leur rôle dans le maintien de la vie sur Terre.
> Lire aussi  « Comment contraindre les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement »
Certains pays ont-ils commencé à faire évoluer leur droit dans ce sens ?
En Nouvelle-Zélande, l’accord trouvé à propos du statut de la rivière Whanganui entre la tribu maorie locale et le gouvernement a permis de reconnaître l’unité indivisible du fleuve et son statut d’être vivant (appelé « Te Awa Tupua »), en englobant tous ses éléments physiques et métaphysiques depuis les montagnes jusqu’à la mer. Mais aussi de lui attribuer une personnalité juridique. Il faut retenir de cette jurisprudence la volonté affichée, par des populations autochtones ou par des juges soucieux de l’avenir des générations présentes et futures, de mieux préserver l’environnement en reconnaissant la nature comme sujet de droit. Car aucun des droits fondamentaux de l’homme ne pourra être garanti si les écosystèmes dont nous dépendons ne sont pas protégés pour leur valeur intrinsèque.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/04/climat-2019-valerie-cabanes-reconnaitre-la-nature-comme-sujet-de-droit_5405179_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________
10- Climat 2019. Jane Goodall : « Nos actes individuels peuvent aider à changer le monde », Le Monde, 05/01/19, 08h00
Propos recueillis par Catherine Vincent 

Pour la primatologue, préserver notre avenir suppose de surmonter trois problèmes majeurs : la pauvreté, le consumérisme et le taux de croissance de la démographie humaine.
A 84 ans, la primatologue britan­nique Jane Goodall ne cesse de parcourir le monde en faveur de l’environnement. En s’installant en 1960 en Tanzanie pour y étudier les mœurs des chimpanzés, en décidant de vivre seule avec eux dans leur milieu naturel pour mieux les observer, elle a bouleversé le regard que nous portions sur les grands singes – et, plus profondément, sur les rapports entre l’homme et l’animal. Afin de protéger les chimpanzés sauvages, gérer des réserves naturelles et créer des refuges en Afrique, elle fonde en 1977 l’Institut Jane Goodall. Convaincu que la conservation de la biodiversité ne peut se faire sans tenir compte des besoins et de la responsabilisation des populations locales, l’Institut, depuis lors, développe partout dans le monde des programmes d’éducation au développement durable, notamment à destination des jeunes.
Marches pour le climat, appel à la justice climatique et à la désobéissance civile : sentez-vous monter la mobilisation face à l’urgence écologique ?
C’est venu progressivement. En 2014, j’avais participé à la marche pour le climat que l’ancien vice-président américain Al Gore avait ­organisée à New York. Les organisateurs espéraient 80 000 participants : ils étaient 400 000, et des marches similaires eurent lieu le même jour dans plusieurs autres grandes villes. ­Depuis, la mobilisation n’a cessé de croître. Chez les jeunes, surtout. Les générations plus âgées peuvent être découragées par la tâche, avoir le sentiment qu’il n’y a plus rien à faire, et, par là même, devenir indifférents face à l’urgence écologique.
Mais les jeunes sont plus résilients, et ils savent que c’est leur avenir qui est en jeu. Rappelez-vous cette jeune Suédoise de 15 ans, Greta Thunberg, qui est montée à la tribune de la COP24, à Katowice (Pologne), le 14 décembre. « Vous êtes arrivé à court d’excuses et nous sommes à court de temps », a-t-elle dit, avant d’appeler les écoliers du monde entier à une grève « scolaire ». Tel est l’état d’esprit de la jeunesse aujourd’hui, et cela ne va pas s’arrêter.
En 1960, à l’âge de 26 ans, vous décidez ­d’aller vivre en Tanzanie, dans ce qui est aujourd’hui le parc national de Gombe, pour y étudier les mœurs des chimpanzés. Que vous ont appris ces grands singes ?
L’humilité. Ils m’ont fait prendre conscience qu’il n’y avait qu’une différence de degré entre nous et eux. Quand je suis revenue à Cambridge en 1962, les chercheurs avec lesquels je travaillais me disaient qu’il y avait une différence de nature entre les hommes et les chimpanzés. Je ne pouvais pas parler de leur personnalité, de leurs émotions, je n’avais pas le droit de leur donner de noms – seulement des numéros. Depuis cette époque, l’étude des grands singes a montré que nous partagions avec eux un grand nombre de comportements, les pires comme les meilleurs. L’éthologie est devenue une science de plus en plus complexe, et les univers mentaux des animaux sont apparus dans toute leur diversité.
Au point d’estomper la frontière qui nous sépare du reste du règne animal ?
Cette frontière est devenue floue. Nous savons aujourd’hui que les primates sont non seulement intelligents et sensibles, mais aussi qu’ils sont doués de conscience, ont des personnalités et ressentent des émotions. Et tous les animaux qui ont été étudiés – éléphants, dauphins, rats, chiens, cochons, oiseaux (notamment corbeaux et perroquets), pieuvres et même insectes – ont fait preuve d’intelligence à des degrés variables. Tous sont capables de ressentir la douleur. Ces connaissances se propagent petit à petit auprès du grand public, et nous enseignent ce que les non-scientifiques savent depuis toujours : nous faisons bien partie intégrante du règne animal et n’en sommes pas distincts.
L’accélération du réchauffement climatique nous oblige à repenser nos modes de vie. Dans un monde mené par le profit et la croissance économique, de quels leviers dispose-t-on pour accélérer ce ­changement de mentalité ?
Nous traversons une période noire à l’échelle de la planète. Le constat est connu : nos activités industrielles et notre consommation inconsciente des énergies fossiles augmentent les gaz à effet de serre qui enveloppent notre planète, entraînant des changements clima­tiques partout dans le monde. Les tempêtes se font plus fréquentes et plus violentes, les inondations sont de plus en plus graves, les sécheresses empirent.
Pourquoi, alors, ne travaillons-nous pas plus à résoudre ces problèmes essentiels ? En partie par manque d’éducation – mais les médias traitent de plus en plus ce genre de sujets, et les gens sont de plus en plus nombreux à saisir la gravité de la situation. L’autre raison, c’est que beaucoup d’entre eux se sentent impuissants, et tombent alors dans l’apathie. C’est pour cela que je voyage trois cents jours par an. Pour faire prendre conscience à ceux que je rencontre du pouvoir et de la responsabilité individuelle de chacun. Chacun d’entre nous peut effectuer des changements positifs. Et collectivement, tous nos actes individuels peuvent aider à changer le monde.
Quelles sont les priorités auxquelles ­s’attaquer ?
Si nous tenons à notre avenir, il y a trois problèmes majeurs en apparence insolubles que nous devons absolument surmonter. Le premier est la pauvreté. Si vous êtes très pauvre et vivez dans une région rurale, vous êtes forcé de détruire votre environnement – vous devez cultiver davantage de nourriture, ou fabriquer du charbon à vendre. Si vous vivez dans une zone urbaine, vous achetez les vêtements et les denrées les moins chers possible car vous ne pouvez pas faire autrement. Vous n’avez pas le privilège de vous demander si le produit que vous achetez est bon marché parce que sa fabrication a détruit l’environnement, ou s’il est le fruit de cruauté envers les animaux, du travail forcé d’enfants ou d’ateliers clandestins.
Deuxième problème – et le plus difficile à résoudre : nous devons lutter contre le mode de vie consumériste de tous ceux qui ne sont pas les plus pauvres. Nous avons à notre disposition bien plus de choses que ce dont on a besoin, et la plupart des gens gaspillent une quantité incroyable de nourriture quand d’autres meurent de faim. Enfin, il est impératif de réduire le taux de croissance démographique. Il est tout à fait absurde de penser qu’il peut y avoir une croissance économique illimitée dans un monde aux ressources naturelles limitées. Même le pape François – l’un de mes héros – nous dit que ce n’est pas parce que nous avons la capacité de nous reproduire comme des lapins que nous sommes obligés de le faire !
Réduire les inégalités et contrôler la démographie, cela suffira-t-il à mieux partager la planète avec le reste des êtres vivants ?
Je crois qu’il nous faut aussi rétablir le lien spirituel avec le monde naturel qui a façonné la vie des peuples autochtones du monde entier. Nous avons une fenêtre de temps qui ne cesse de se réduire, durant laquelle, si nous nous réunissons tous, nous pouvons commencer à réparer certains des torts que nous avons infligés à la Terre. Et je vois plusieurs raisons d’espérer.
D’abord, la détermination des jeunes à changer les choses lorsque nous sommes capables de les écouter et de leur donner les moyens d’agir. Ensuite, les capacités du cerveau humain : chacun d’entre nous peut les mettre à contribution pour alléger son empreinte écologique, et nous pouvons grâce aux réseaux sociaux partager nos idées avec des personnes du monde entier. Rassemblons nos voix pour nous opposer aux gaz et pétrole de schiste, pour exiger un monde sans déchets plastiques et réclamer des régimes végans et végétariens généralisés ! Enfin, une autre raison de ne pas perdre espoir est la résilience de la nature. Si les humains s’en soucient, les environnements et les habitats que nous avons détruits peuvent à nouveau héberger la vie – il y a de nombreux exemples de cela. Les espèces au bord de l’extinction peuvent profiter d’une deuxième chance.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/05/climat-2019-jane-goodall-nos-actes-individuels-peuvent-aider-a-changer-le-monde_5405373_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________
11- Climat 2019. Photogénie du désastre, Le Monde, 05/01/19, 12h00
Marion Dupont 

Terribles mais sublimes, les images de scènes apocalyptiques nous fascinent. De la peinture de « paysage-catastrophe » au XIXe siècle au photoreportage contemporain, retour sur notre attirance pour le drame.
Le champignon atomique d’Hiroshi­ma, le toit dévasté de Tchernobyl, la vague du ­tsunami de 2004, les tours enfumées du 11 septembre 2001… Les images des grandes catastrophes peuplent nos imaginaires, dressées dans notre culture visuelle comme autant de fascinants monuments. Aujour­d’hui, les photographies tentant de rendre compte de la catastrophe écologique en cours se multiplient sur tous les supports, comme autant d’avertissements mais aussi d’objets de désir. Car indéniablement ces images aimantent le regard et envoûtent le spectateur. Alors qu’elles représentent le désastre et la mort, pourquoi les images de catastrophe sont-elles si fascinantes ?
Un premier indice se trouve dans le terme lui-même. Si une catastrophe désigne un événement exceptionnel aux effets particulièrement néfastes, l’anthropologue Yoann Moreau, dans son ouvrage Vivre avec les catastrophes (PUF, 2017), révèle que ­notre compréhension actuelle du mot est issue d’une acception du grec katastrophê, réservée à la sphère théâtrale. La « catastrophe », dans le théâtre grec, est le dernier acte d’une tragédie, racontant le dénouement de ­l’in­trigue et provoquant le retour à soi, la catharsis. Les tragédies grecques pouvaient ainsi avoir un dénouement heureux ou malheureux. Mais celles qui sont passées à la pos­térité sont celles ayant été plébiscitées par le public lors des concours : quasi invariablement, les plus funestes. « Cette version catastrophique de la katastrophê aurait donc été modelée, semble-t-il, par le principe du ­succès médiatique », souligne Yoann Moreau. Il précise par ailleurs que, « dans sa structure, la dramaturgie grecque confine la katastrophê à son unique acte final (…). L’origine grecque du mot “catastrophe” a ainsi introduit, en plus d’une connotation ­funeste, une grammaire du spectaculaire ».
Pression de l’« Audimat »
La notion de catastrophe est donc caractérisée autant par sa dramaturgie et son dénouement violent que par son succès auprès du public. Cette pression de l’« Audimat » se retrouve notamment dans l’émergence de la peinture de « paysage-catastrophe » au XIXe siècle. Ce genre, qui met en scène ­tempêtes, naufrages, éruptions et tremblements de terre, s’épanouit alors que le public commence à se lasser des représentations mythologiques érudites néoclassiques.
Selon l’historien de l’art Pierre Wat, auteur de Pérégrinations. Paysages entre nature et histoire (Hazan, 2017), les artistes peintres de cette époque se doivent d’innover : « Le théâtre et l’opéra offrent alors des drames plus spectaculaires, plus ­divertissants, et vont produire – c’est un grand mot du XIXe siècle – un “effet” beaucoup plus grand. L’engouement pour le motif de la catastrophe est une stratégie des peintres pour rivaliser avec ces formes et essayer de provoquer en art des ­sensations équivalentes, aussi puissantes. » C’est le cas des tableaux gigantesques de John Martin, des panoramas de ­scènes ­apocalyptiques avec lesquels il fait une tournée quasiment mondiale, vue par des millions de personnes.
« Horreur délicieuse »
Le choix de ce motif, poursuit Pierre Wat, est aussi le reflet de changements dans la pensée de l’histoire. « L’incendie de Londres en 1666 ou le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 sont des événements qui ­secouent le monde, la civilisation, les villes, tout ce que l’homme a élaboré. De tels événements mettent à mal les Lumières : imprévisibles, irrationnels, impossibles à canaliser, ils participent à la résurgence d’une conception de l’histoire marquée par la fatalité. Ils sont vécus comme des rappels à l’ordre naturel. » Au tournant du XIXe siècle, l’atmosphère est au millénarisme et à l’inquiétude sur l’avenir de l’humanité, dont le paysage-catastrophe se fait le témoin. Une ­inquiétude cependant passée au filtre de l’esthétisme : le ­ressort de ce genre réside bien dans la ­notion de sublime, cette « horreur délicieuse » provoquée en soi par un spectacle potentiellement létal, mais que l’on voit en toute sécurité – permettant d’éprouver « la jouissance de la conservation de soi » selon le philosophe Edmund Burke.
Si le développement du photoreportage aux XIXe et XXe siècles fait de quiconque le potentiel spectateur de n’importe quel événement, les enjeux sont restés les mêmes. Pour Pierre Wat, le véritable changement serait plutôt à chercher du côté des années 1960 : « Avec la formulation du concept d’anthropocène par [le philosophe et historien des sciences] Michel Serres ou [le sociologue et philosophe] Bruno Latour, l’homme ­devient l’agent de la catas­trophe. D’où l’omniprésence du ­désastre dans la culture visuelle contemporaine, ­jusqu’à en constituer la toile de fond principale. »
C’est alors que, au XXIe siècle, un malaise émerge doucement face à cette représentation, qui s’intensifie peu à peu. Ainsi que le soulignait l’historienne de l’art Abigail Solomon-Godeau, en 2010, dans la ­revue Terrain : « Nous éprouvons le sentiment diffus d’un décalage radical entre le flux d’images portant sur le tragique de la réalité et notre capacité, justement, à réagir de manière adéquate à la représentation de ce tragique, que ce soit sur le mode émotionnel, pratique, éthique ou politique. » Si ces images nous gênent aujourd’hui plus qu’hier, c’est peut-être que la « jouissance de la conservation de soi » n’est plus si certaine, puisqu’elle tient désormais à notre action et non à la fatalité.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/05/climat-2019-photogenie-du-desastre_5405421_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________
12- Editorial. Climat : sauver la planète en préservant les libertés, Le Monde, 04/01/19, 13h44

Seul un sursaut politique venant des élus et des citoyens peut nous permettre de concilier sauvegarde de l’humanité et survie de nos valeurs démocratiques.
Editorial du « Monde ». Deux cents personnalités ont répondu, en septembre 2018, à l’appel de l’astrophysicien Aurélien Barrau pour une action politique face au changement climatique. Quelques jours plus tôt, ce chercheur avait publié, dans le journal en ligne Diacritik, un « Appel face à la fin du monde ». Convaincu, comme tous les intellectuels qui ont participé au supplément « Idées » que nous publions avec cette édition, que « la catastrophe est déjà en cours » et qu’elle constitue « un crime contre l’avenir », Aurélien Barrau estime qu’il est désormais « vital que les décisions politiques drastiques – et contraignantes, donc impopulaires – soient prises ».
> Lire aussi  Aurélien Barrau, des astres au désastre climatique
Le dilemme est vertigineux : faut-il renoncer à la démocratie pour endiguer le réchauffement climatique, ou attendre que celui-ci ait raison de la démocratie, voire de notre civilisation ? Car l’équation est malheureusement simple.
Le physicien américain Dennis Meadows, coauteur du rapport commandé par le Club de Rome, en 1972, qui alertait alors sur les dangers pour l’environnement de l’expansion démographique et économique, la résumait encore, en décembre, dans Le Monde : les problèmes engendrés par le changement climatique et la pollution exigent de déployer des mesures extrêmement coûteuses à court terme, mais dont les effets ne se mesureront pas avant des décennies. « Aucun homme politique ou parti ne remportera une élection avec un tel programme, concluait-il. C’est la limite de la démocratie, qui a échoué à traiter le problème environnemental. »
> Lire aussi  Dennis Meadows : « La démocratie a échoué à traiter le problème environnemental »
Et voilà que ressurgit le spectre de la dictature écologique, mis en évidence dès 1979 par le philosophe allemand Hans Jonas. Réduire notre consommation (et donc abandonner une partie de notre confort), organiser le contrôle de la démographie humaine et peut-être celui de la pénurie : Jonas avait théorisé ces problèmes cruciaux.
Le scénario du pire
Pour éviter de les affronter directement, il préconisait de les anticiper, en développant au plus vite notre responsabilité. Mais il évoquait déjà, pour assurer la survie de l’espèce humaine, ce qu’il considérait comme le scénario du pire : le recours à « une tyrannie bienveillante, bien informée et animée par la juste compréhension des choses ». Un régime autocratique qui lui semblait plus à même de « réaliser nos buts inconfortables » que nos démocraties.
> Lire aussi  Climat 2019. La démocratie à l’épreuve de l’environnement
Si l’on en croit au contraire les partisans du transhumanisme, qui rêvent d’améliorer l’espèce humaine pour la rendre capable d’affronter le monde qui vient, on risque fort de réaliser la prophétie dessinée par le philosophe et psychanalyste Pierre-Henri Castel : aborder une période où riches et puissants profiteront des ultimes ressources qui nous restent, au prix de l’aggravation des injustices planétaires et de la disparition d’une part notable des sept milliards d’êtres humains. Les mêmes, après avoir géré la croissance et l’abondance, géreraient la pénurie. A leur seul profit.
Entre ces deux sombres perspectives, il nous reste la liberté de choisir une autre voie. Un sursaut politique d’une force considérable – venant tant des élus, des autres pouvoirs, que des citoyens – peut encore nous permettre de concilier la sauvegarde de l’humanité et de la vie sur Terre, dans sa diversité, et la survie de nos valeurs démocratiques. Sauver la planète en préservant les libertés. Encore faut-il que chacun ait désormais pleinement conscience des enjeux, et s’attelle à trouver des remèdes.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/04/climat-sauver-la-planete-en-preservant-les-libertes_5405128_3232.html>
_______________________________________________________________________________________________________________________

À PROPOS DE LA PRÉSENTE REVUE DE PRESSE…

Cette revue de presse s’inscrit dans la mission éducative de notre Fondation, au statut apolitique et non confessionnelle, et vise à répondre aux souhaits d’information et de sensibilisation des abonnés.
 
Elle n’a pas de caractère exhaustif. Il s’agit d’une sélection pluraliste d’articles ou de dépêches, parfois antagonistes, ne faisant pas systématiquement la Une des journaux et regroupés en 6 thèmes, adressée par mail du lundi au vendredi, à raison d’un thème différent chaque jour.
Diffuser ces articles ne signifie pas automatiquement les approuver mais vise à vous surprendre, vous enrichir, vous donner envie d’en savoir plus, vous aider à relayer l’info, à passer à l’action, et même, à vous indigner ou à vous faire sourire ! Nous espérons qu’au moins un de ces articles répondra chaque jour à l’un de ces objectifs.
Attention, ces articles n’étant pas associés à une base de données, pensez à conserver ceux qui vous concernent ou vous intéressent particulièrement.

Sur le fond et en complément de notre site InternetFacebook,  

Twitter & 

 Instagram, il s’agit là d’une modeste contribution à une meilleure compréhension du monde par l’éducation à la complexité.

 
Quant à la forme, elle se veut sans prétention et n’y associe aucune pièce jointe pour éviter de saturer votre boîte mail.

Pour agrandir la taille des caractères
A l’aide du clavier : Maintenez la touche CTRL de votre clavier enfoncée et appuyez sur la touche + autant de fois que vous le souhaitez jusqu’à ce que vous soyez en mesure de lire correctement.
A l’aide de la souris : Maintenez la touche CTRL de votre clavier enfoncée et tournez la molette de votre souris vers le bas pour agrandir. Cela fonctionne avec la plupart des navigateurs.

Merci pour votre indulgence.
NB : – Si vous êtes équipé(e) d’un antispam, n’oubliez pas de le formater pour vous permettre de recevoir la présente revue de presse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– Pour poster un message si vous êtes abonné(e), utiliser l’adresse 

 

<ml-fnh(at)fnhsympmel.nfrance.com>

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– Pour entrer uniquement en liaison avec le gestionnaire de cette liste, adresser votre mail à :  

 

 

 

 

 

 

 

 

<f.demonclin(at)fnh.org>
– Economisez de l’énergie, du papier et de l’encre, n’imprimez ce message que si nécessaire.
_______________________________________________________________________________________________________________________
À PROPOS DE LA FONDATION POUR LA NATURE ET L’HOMME (FNH)…
NOS APPELS 
– Let’s Bio ! Ensemble pour des cantines bios et locales pour bien nourrir nos enfants.
NOS CAMPAGNES 
– 30 gestes et astuces pour réduire sa conso d’énergie pour participer à l’émergence d’un modèle énergétique plus propre et durable
– Mon Restau’Responsable® pour guider les professionnels de la restauration collective et valoriser leurs bonnes pratiques.
– J’agis pour la nature pour participer à des activités utiles et ludiques en pleine nature, près de chez vous.
NOS VIDÉOS PÉDAGOGIQUES 
– Sur notre chaîne You Tube, retrouvez toutes nos vidéos.